[ EMPLOI ] Arles : Recrutement saisonnier, le casse-tête en Pays d’Arles

Alors que la saison a déjà démarré, et à quelques jours de l’arrivée massive de touristes, de nombreux postes sont encore à pourvoir en hôtellerie-restauration. Pour faire face à la pénurie de main-d’oeuvre, le maître mot reste l’adaptation.

7 juin 2023 à 16h30 par J.Rz Rios

[ EMPLOI ] Arles : Recrutement saisonnier, le casse-tête en Pays d’Arles

La saison touristique est lancée et pourtant, sur le Pays d’Arles, de nombreux établissements n’ont pas leurs effectifs au complet. Cette année encore, les professionnels du tourisme peinent à recruter des saisonniers et cette situation -- qui va crescendo d’année en année -- n’est pas propre à notre territoire. En France, à l’été 2022 et l’hiver 2023, 65 000 des 300 000 postes de saisonniers proposés n’ont pas été pourvus. Un constat cinglant qui a poussé, cette semaine, le gouvernement à présenter un plan triennal (2023-2025). Son objectif : contourner les difficultés de recrutement de saisonniers. Sur le terrain, la stratégie mise en place vise à ce que chaque saisonnier puisse se former, vivre correctement de son travail, et se loger décemment à des prix raisonnables.

Et justement, si la question du logement n’est pas responsable à elle seule de cette situation, elle en est quand même l’une des causes principales.

À Arles, tout particulièrement, où le développement exponentiel de l’offre Airbnb ces dernières années "n’a pas fait du bien aux saisonniers", reconnaît Patrice Tomassi, propriétaire de l’hôtel Acacias. "J’ai le cas d’un de mes salariés qui a trouvé à se loger à Tarascon, parce qu’ici ce n’est pas possible. Pour les saisonniers, se loger à Arles, revient à travailler pour payer son loyer. Il n’y a plus de logements pour eux dans le circuit traditionnel. Sur le littoral ou à la montagne, il y a cette culture du saisonnier et les logements pour. Mais ici, c’est nouveau. En l’espace de 3 ou 4 ans, la location saisonnière a bouleversé le marché." Et la ville n’a visiblement pas eu le temps de s’adapter.

"C’est à l’entreprise d’être attractive"

Patrice Tomassi, qui deviendra bientôt président de l’UMIH (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) du Pays d’Arles insiste : "cette difficulté de recrutement n’est pas nouvelle mais elle n’a jamais été à un tel degré. Cette année c’est vraiment tendu, on est passé un cran au-dessus." Et si le logement est un frein, tous les acteurs de l’hôtellerie et de la restauration se rejoignent pour dire que ce n’est pas le seul.

"Cette difficulté de recrutement est récurrente sur ces secteurs en tension", nuance Claire Allamand, directrice de l’agence Pole Emploi à Arles. "Ces métiers souffrent d’être peu attractifs, avec des horaires contraignants, et des conditions de travail difficiles." Et la crise du Covid n’a pas arrangé les choses. "De nombreux salariés de ces secteurs s’en sont détournés pendant la pandémie. Ils ont trouvé d’autres voies. Et puis, il y a eu un vrai changement. Les gens ne sont plus prêts à accepter tout et n’importe quoi."

En ce début juin, les professionnels qui s’en sortent le mieux, sont "ceux qui ont modifié leur mode de recrutement", indique Claire Allamand. Plus de souplesse, horaires revus pour travailler de manière moins morcelée (notamment en restauration), proposition de logement, conditions salariales à la hausse... Femmes de chambres, réceptionnistes, serveurs, commis, etc., la demande est forte. Plus forte que l’offre. "C’est à l’entreprise d’être attractive et sur ces métiers, oui, ce sont les demandeurs d’emploi qui sont en position de force", confirme la directrice de Pôle Emploi.

 

Les témoignages

"J’ai deux restaurants et je loge mes deux chefs"

Ce n’est pas le nerf de la guerre dit-on, mais sur un territoire arlésien avec une pression immobilière aussi forte, ça le serait presque. "La plupart des recruteurs en centre-ville n’ont pas de logements pour leurs saisonniers, ce serait trop complexe, trop coûteux. Et c’est un sérieux problème", glisse Patrice Tomassi, hôtelier à Arles et prochain président de l’UMIH du Pays d’Arles. Certains restaurateurs arlésiens sont même actuellement en recherche active mais la tâche se révèle très compliquée.

À la tête de Cui-Cui, place Saint-Roch, et du Cocorrico, rue Porte de Laure, Stéphane Di Filippo donne le ton : "J’ai deux restaurants et je loge mes deux chefs". Même si l’Arlésien est aguerri à l’exercice, il a revu sa copie pour recruter plus sereinement. En plus de loger ses deux chefs, chacun au-dessus de l’établissement dont il est aux commandes, il a également mis à disposition de quelques saisonniers des chambres destinées, au départ, à être des chambres d’hôtes. Et pour Stéphane Di Filippo, il est clair que "le logement fait la différence". "Arles a tout d’une grande ville saisonnière, mais elle n’a pas les logements adaptés à l’emploi saisonnier", regrette-t-il. Pour s’assurer d’avoir des équipes suffisantes cet été, le restaurateur a plus d’une corde à son arc. "On double les effectifs pour avoir une équipe du matin et une équipe du soir. Ça ne se faisait pas ça avant". Exit les coupures donc. "Et pour rentabiliser, on travaille en continu". Côté salaires, là aussi Stéphane Di Filippo "joue le jeu". Autant de conditions qui lui permettent de s’en sortir habilement, "je m’estime heureux, j’arrive à trouver du monde, mais c’est vrai que c’est de plus en plus difficile."

Non loin de là, Céline de Labrousse, directrice des opérations hôtellerie pour Les Maisons d’Arles, fait les comptes. Sur les 160 personnes qu’elle gère, 30 % sont des saisonniers, "et il me reste encore 30 personnes à recruter." Et "non, les effectifs ne seront sans doute pas au complet d’ici l’été." Pourtant ici aussi, "on multiplie les actions. On loue quelques chambres pour les saisonniers, on organise des jobs dating, on fait de la promotion dans les écoles, on a mis en place des horaires continus et on essaie tant que possible que les personnes aient deux jours de repos consécutifs. On suit le mouvement, mais c’est le cas depuis déjà depuis plusieurs années", insiste la responsable. Et pour parvenir à monter les équipes, les conditions de recrutement ont aussi été revues il y a un moment. "Il y existe une autre vision de la restauration et de l’hôtellerie. Avant on prenait principalement des gens avec de l’expérience. Bien sûr, tous les postes sont différents et certains nécessitent cette expérience, mais si on reste sur ce principe ça va être pire. Il y a des gens qui ont envie, qui ont l’intention de bien faire, c’est à nous de leur apprendre le métier." Pour Céline de Labrousse, "écoute et adaptation sont les maîtres-mots". Et elle, croit "en une mutation à venir. On a perdu des experts métier qui ont changé de voie oui, mais ce métier est un véritable tremplin."

Autre lieu, autre ambiance, mais même constat. Au Domaine de Manville, aux Baux-de-Provence, il a aussi fallu s’adapter. Avec 130 salariés à l’année, et 160 en pleine saison, les saisonniers sont loin de représenter la majorité du personnel mais les difficultés de recrutement sont les mêmes qu’à Arles.

Une école de formation en interne

Le système des coupures a notamment été revu et ici, peut-être plus qu’à Arles, la problématique du logement a son importance. Il y a quelques années, le Domaine de Manville avait fait l’acquisition de l’ancienne gendarmerie des Baux, située à 2 km. Un bâtiment transformé en plusieurs appartements pour loger du personnel. "Depuis la crise du Covid, nous avions de plus en plus de demandes pour des chambres individuelles, indique Freddy de Abreu, responsable RH du Domaine. Désormais, nous louons des mobile homes dans les campings aux alentours, à Saint-Martin-de-Crau et à Saint-Etienne du Grès. Les saisonniers sont deux par mobile homes, chacun a sa chambre." Pour recruter ses saisonniers, le Domaine dispose de différents leviers d’action, dont un de taille, son école de formation créée en 2019. "Chaque année, 1/3 des saisonniers sont issus de cette école. C’est notre premier vivier." A cette date, une dizaine de salariés manque encore au Domaine, saisonniers et CDI confondus.

 

Source: laprovence.com