Loïc a 52 ans, et depuis plusieurs semaines, il est stressé. Un bouton apparu sur son bas-ventre l’a amené chez son médecin traitant. Ce dernier ne se déplace (presque) plus à domicile, et pour pouvoir être auscultés, ses patients doivent s’armer de patience : sans possibilité de rendez-vous fixé à l’avance, il faut parfois poireauter plus de deux heures en salle d’attente. Une fois cette première étape franchie, le médecin de Loïc s’avère circonspect : pour déterminer la nature du bouton, il faut s’adresser à un spécialiste. Las, les premiers rendez-vous disponibles chez le dermatologue sont prévus dans… six mois.
Loïc n’habite pas dans un hameau en zone rurale, mais dans une ville des Bouches-du-Rhône. Le département le plus peuplé d’une région Paca où la densité de praticiens au prorata de la population se situe dans le haut du panier français : 377 médecins pour 100 000 habitants, contre 121 au niveau national. Et pourtant…
"La situation dans l’arrière-pays est plus inquiétante que sur le littoral, mais même là, il y a des difficultés, des tensions" reconnaît Laurent Saccomano, président de l’Union régionale des professionnels de santé Médecins libéraux Paca.
Depuis plusieurs années, la désertification médicale est une réalité tangible pour les Provençaux. Et d’un point de vue statistique, la situation ne va pas s’améliorer tout de suite, la population régionale - comme celle des médecins - étant vieillissante : selon les projections, en 2040, les plus de 60 ans devraient constituer plus du tiers des habitants.
Face au manque de soignants, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. "Près de 16 % de la population de la région Paca se trouve dans une zone prioritaire, et 40 % dans une zone d’action complémentaire" informe Marion Chabert, directrice des soins de proximité à l’Agence régionale de santé (ARS) Paca. Qui confirme qu’on "est actuellement dans le creux de la vague. Nous allons devoir encore affronter 5 années de stagnation médicale".
Une trentaine de maisons de santé en 2017, 130 aujourd’hui
Alors, comment faire ? Ces dernières années, l’État a multiplié les mesures : création d’une 4e année d’internat de médecine générale, consacrée à des stages en cabinet médical, en priorité dans les zones médicalement tendues ; possibilité jusqu’à fin 2035 pour les médecins et infirmiers de travailler jusqu’à 72 ans à l’hôpital ; exonération des cotisations vieillesse en 2023 pour les médecins retraités qui reprennent leur activité, etc.
À l’arsenal législatif s’ajoutent d’autres outils. En Paca, l’ARS conduit, en partenariat avec l’Assurance Maladie et les collectivités, des programmes d’aide à la venue de nouveaux médecins : contrats individuels d’aide à l’installation, aide à l’investissement pour la création de maisons de santé... Composées de professionnels qui exercent à leur propre compte, on comptait une trentaine de structures de ce type en 2017. "Il y en a aujourd’hui 130 dans la région, et 80 encore à créer d’ici 2026" souligne Marion Chabert. Un outil qui montre de bons résultats dans les Alpes, selon l’ARS. D’autres initiatives, plus ponctuelles, sont aussi bientôt programmées, comme le "médicobus" visant à proposer une offre de médecine générale et/ou de spécialité, itinérante dans les zones rurales, en réponse aux difficultés d’accès aux soins des personnes isolées, sans médecin traitant. Une première vague d’appel à projet a été lancée, une seconde devrait avoir lieu l’été prochain.
Comme l’union fait la force, la constitution de coopérations et de réseaux est tout aussi importante. C’est le cas des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui permettent, entre autres de fluidifier les échanges et le partage de pratiques entre médecins. Et de gagner du temps. Un gain également favorisé par le renfort d’autres professionnels aux compétences étendues. Infirmières Asalée, ou encore de pratique avancée... "Ce sont des infirmiers qui, après une formation de deux années, ont acquis des compétences sur des activités jusqu’alors médicales" précise Sébastien Colson, co-responsable du diplôme d’Etat infirmier en pratique avancée au sein d’Aix-Marseille Université.
Ces IPA ont la responsabilité du suivi régulier des patients pour leurs pathologies et peuvent prescrire des examens complémentaires, demander des actes de suivi et de prévention ou encore renouveler ou adapter, si nécessaire, certaines prescriptions médicales. Leurs domaines d’intervention se sont enrichis au fil des ans : cardiologie, diabétologie, neurologie, santé mentale... "Il y a eu au départ des craintes d’une médecine low cost, et le milieu médical était un peu frileux. Mais ça rentre dans les mœurs, estime Sébastien Colson. L’idée est de libérer du temps médical". Dans le même ordre d’idée, un autre métier est en plein essor : les assistants médicaux, chargés d’alléger les médecins dans leurs tâches administratives, ou encore en préparant le déroulement d’une consultation. Courir après le temps, encore et encore...
SOURCE: Laprovence.com