[ SANTE ] À Martigues, une convention pour endiguer le renoncement aux soins

La caisse primaire d'assurance maladie, le CIAS du pays de Martigues et la CPTS ont signé une convention pour réduire la fracture des ruptures de soins. Une personne sur quatre serait concernée...

12 mai 2023 à 11h27 par Pascal STELLA Rios

[ SANTE ] À Martigues, une convention pour endiguer le renoncement aux soins
Crédit : DR. PS

C'était le rendez-vous pour lancer officiellement le combat et se mettre sur le pied de guerre. Une bataille pour lutter contre le renoncement aux soins dans la signature d'une convention entre la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, la Communauté professionnelle territoriale de Santé (CPTS) et le Centre intercommunal d'Action Sociale du Pays de Martigues (CIAS). Un travail de concert, dans le prolongement du Contrat local de santé signé jusqu'en 2027 (La Provence du 26 janvier 2022), pour favoriser l'accès aux droits et aux soins des patients en difficulté ou carrément laissés au bord du chemin.

Aller au plus près du public, notamment des plus précaires, mais pas seulement... Alors même que la population vieillit, ce droit d'accès aux soins est de plus en plus difficile à garantir. "Le renoncement aux soins touche malheureusement des centaines de personnes de notre territoire, alerte Nathalie Lefebvre, vice-présidente du CIAS du Pays de Martigues. Faute d'accès à des médecins de ville, qu'ils soient spécialistes ou généralistes ou du fait de la crise de l'hôpital public, qui paye un manque d'investissements de l'État, beaucoup renoncent à se faire soigner".

Un combat parti d'un constat tellement alarmant dans le monde moderne, résumé par Valérie Matsos, vice-présidente de la CPTS et infirmière libérale depuis 36 ans, qui ne "compte plus les fois où j'ai alerté des médecins, les assistantes sociales ou le Pôle seniors, pour faire face à des situations compliquées.Des personnes en rupture partielle voire totale du soin".

"Budget de la Sécurité sociale asséché, pénurie de médicaments..."

Renoncer à se faire soigner, faute d'argent avec des restes à charge (optique, dentaire) trop élevés ou parce que l'on n'a pas les moyens de payer une complémentaire santé. Au-delà des raisons financières, un parcours du combattant aussi pour Madame et Monsieur Tout-le-monde, confrontés aux déserts médicaux ou à la difficulté d'obtenir une consultation dans un délai raisonnable (lire ci-dessous).

Le renoncement aux soins, une triste réalité contagieuse qui concernerait une personne sur quatre, selon une enquête de l'Assurance maladie portant sur 160 000 personnes entre 2014 et 2020. Une situation inquiétante qui s'est amplifiée depuis l'épidémie de Covid... Tout sauf une fatalité pour Nathalie Lefebvre. "Depuis plusieurs années, les budgets de la Sécurité sociale ont été asséchés, ça a un impact y compris sur le remboursement de soins ou de médicaments, dénonce l'élue. Cela se conjugue à une situation économique et sociale qui se détériore. Se soigner passe au second plan dans les priorités familiales. Au travers de cette convention, nous souhaitons agir pour faire respecter le droit d'accès à la santé pour tous".

En pratique, la démarche est d'abord "de détecter et faire remonter les situations de renoncement avec nos partenaires relais, qui sont en proximité (professionnel de santé, association, Carsat, Pôle emploi, Caf...) pour se mettre en lien avec la cellule "Mission accompagnement santé" de la CPAM. Il s'agit de mettre en place un parcours santé, en concertation avec l'assuré et le plus rapidement possible", précise Said Oumeddour, sous-directeur de l'accompagnement en santé et de la gestion des droits de la Sécu.

"Nous pouvons les accompagner jusqu'à la prise de rendez-vous et proposer un éventuel accompagnement financier pour faire face à des restes à charge qu'ils ne seraient pas en capacité de couvrir".

Une cellule de lutte et une reprise en main "de façon coordonnée, dans un partage de l'information sécurisé". Une course contre la montre parfois et même des "dépenses de santé supplémentaires qui peuvent découler de l'absence de soins", pointe encore Nathalie Lefebvre. Quand cela ne s'accompagne pas de "perte de chance" dans le cas de maladies chroniques...

Pas besoin de faire un dessin, cette convention partenariale est tout sauf un luxe dans un bateau qui tangue, en lançant un autre appel, en forme de SOS. "Pour réduire les renoncements aux soins, on a besoin aussi d'un grand plan de financement pour former des personnels soignants en nombre conséquent", implore Nathalie Lefebvre, voyant dans "les ruptures de médicaments grandissantes", un autre enjeu majeur et un impact sur l'accès aux soins.

Autant de barrières à briser pour accéder aux soins, entre autres lutte contre les déserts médicaux sur fond d'une offre vieillissante de médecins généralistes (passés de 72 à 64 sur le pays martégal entre 2011 et 2020), dans un autre constat tout aussi alarmiste. "On est face à des situations compliquées, sachant que l'on n'est pas encore au creux de la vague," prévient Nathalie Lefebvre. Sous-entendu, la course au médecin peut s'annoncer plus dure encore demain...

Paroles de patients en galère

"Désolé, on ne prend pas de nouveaux patients"... La phrase revient en boucle de cabinet en cabinet, comme sur la plateforme Doctolib, avec le même retour de boomerang d'une "réservation impossible et aucune disponibilité en ligne" au bout de recherches d'un dermato, d'un ophtalmo ou d'un médecin généraliste. Entre ceux partis à la retraite et les autres qui saturent, bonjour la galère ! Comme une rengaine qui lasse, dans un système de santé en crise.

Trop de tentatives vaines, d'appels en forme de coup d'épée dans l'eau pour des patients qui, à force de courir après un généraliste ou un spécialiste, finissent par s'essouffler au point de lâcher prise. C'est le cas de Sébastien qui "a remarqué une tache suspecte sur sa peau". Après une consultation chez son médecin traitant qui lui a prescrit une crème à base de cortisone, la quête d'un dermato est un chemin de croix. "J'ai contacté une dizaine de cabinets. À force de courir après un dermato, j'ai arrêté de chercher..."

"Les délais sont de plus en plus longs, s'étrangle Pierre (48 ans) qui verra un ophtalmo à Martigues "fin août après un appel... début janvier ! Ça fait 8 mois d'attente !"

À l'image de Sandra, 43 ans, mère de deux enfants sur Istres de 17 et 11 ans, tous parlent de "lassitude", sur fond d'"une certaine colère" aussi, au bout d'un appel à témoignages que nous avons lancé, sur LaProvence.com. "Je n'ai plus de docteur depuis 7 mois. J'ai découvert que mon médecin de famille depuis 24 ans avait fermé son cabinet à Istres pour s'installer sur Marseille. J'ai contacté une douzaine de généralistes sur Istres, Martigues et les alentours en vain. Je suis obligée d'aller au Forum des Carmes, sachant qu'il n'y a pas de suivi. Le matin dès l'ouverture, c'est déjà 15 personnes qui attendent pour prendre un ticket. Heureusement que je n'ai plus d'enfants en bas âge". En plus de "remercier le ciel", elle avoue se soigner surtout par "automédication". "J'ai une pharmacie entière chez moi !" souffle-t-elle, déplorant aussi qu'"un frottis chez un gynécologue, c'est 6 mois d'attente !" Même chemin de croix pour Hugo (32 ans) : "Je cherche un ophtalmo conventionné en secteur 1. Après un problème avec mes lentilles de contact, il faut que je refasse rapidement des lunettes. Mais c'est assez galère d'obtenir un créneau avant cet été".