[ ECONOMIE ] LES COMPAGNIES AÉRIENNES POUSSENT POUR UNE RÉDUCTION DES INDEMNITÉS EN CAS DE VOL RETARDÉ

12 août 2022 à 12h31 par Timothée Talbi

[ ECONOMIE ] LES COMPAGNIES AÉRIENNES DEMANDENT UNE RÉDUCTION DES INDEMNITÉS EN CAS DE VOL RETARDÉ
Au coeur d'un été marqué par d'importantes perturbations du trafic, les compagnies aériennes souhaitent que la Commission européenne allège les conditions des indemnités versées aux passagers victimes de retards.

Un véritable bras de fer risque de s'engager dans les prochains mois à Bruxelles. Après plus de deux années tourmentées par la pandémie et un été 2022 encore largement perturbé, les compagnies aériennes remettent sur la table la question des indemnités versées aux passagers victimes de retard de volLe média Politico indique ainsi que la présidence tchèque du Conseil de l'Union européenne a ouvert la porte à une reprise des discussions en vue d'une révision de la réglementation.

Depuis près de deux décennies, les compensations pour un vol européen retardé de plus de trois heures oscillent entre 250 et 600 euros. Un montant que les compagnies aériennes jugent dans la plupart des cas trop élevé par rapport au prix initial du billet mais aussi à l'impact effectif du retard sur le voyage du passager.

e pense que que tout le monde s'accorde sur le fait qu'il n'est pas juste de payer son billet 50€ et d'obtenir 300€ en retour, déplore auprès de Politico Thomas Reynaert directeur de l'assocation Airlines for Europe (A4E).

Juriste au sein du Bureau européen des unions des consommateurs, Steven Berger réfute cet argument: "Si vous allez de la Lituanie au Portugal pour 30 euros et que vous êtes coincés là-bas pendant deux jours, est-il juste de recevoir seulement quelques euros de compensation? Il faut maintenir le niveau d'indemnités."

Un flou autour des circonstances extraordinaires

Il y a près de dix ans, la Commission européenne avait déjà soumis une proposition pour augmenter le seuil de retard considéré à cinq heures et pour donner des exemples concrets de circonstances extraordinaires exemptant les compagnies aériennes. Aujourd'hui, un flou persiste autour de ce critère de circonstances extraordinaires.

En effet, la réglementation originale a été sans cesse peaufinée par un nombre croissant de dossiers qui se règlent au tribunal, voire devant la Cour de justice de l'Union européenne. "Les dispositions de fond doivent être claires, sans ambiguïté afin que le résultat dans la majorité des affaires soit assez évident, estime Harry Snook, responsable mondial de l’aviation chez Oracle Solicitors à Belfast. Si la plupart doivent être tranchées par un règlement des différends, c'est qu'il y a un problème avec le projet. Vous devriez être capable de lire et comprendre la loi sans être avocat."

Des compagnies aériennes fautives?

Aux yeux des associations de consommateurs, la hausse des affaires devant les tribunaux est surtout liée aux défauts des compagnies aériennes. "Si elles respectaient les droits des passagers, il n'y aurait pas de marché pour cela", insiste Steven Berger. " “Elles disent que nous avons des pratiques commerciales aggressives. Ce qu'elles veulent dire, c'est que nous avertissons les passagers sur leurs droits, ajoute Patrick Gibbels qui dirige le cabinet de conseil Gibbels Public Affairs, spécialisé dans la poursuite des compagnies aériennes sur les questions de réclamations.

"Bien sûr, nous sommes un caillou dans leur chaussure. Mais seulement car nous faisons ce qu'elles devraient faire", pointe Patrick Gibbels, directeur du cabinet bruxellois Gibbels Public Affairs.

Sensibles aux droits des passagers européens mais aussi à l'activité des compagnies aériennes, les décideurs de l'UE attendent des explications claires de l'industrie aéronautique civile sur les mesures à revoir. Si le projet de révision a été lancé par la présidence tchèque de l'UE, les compagnies aériennes comptent également sur son successeur suédois. "Nous attendons avec impatience de travailler avec eux également, évoque Thomas Reynaert. Nous pensons qu'il s'agit d'une priorité pour eux. Dans les pays nordiques, les droits des consommateurs sont assez importants."

Le Royaume-Uni pourrait emboîter le pas à l'Europe

Dans ce dossier, le déclic pourrait bien survenir outre-Manche. Pendant de longues années, le Royaume-Uni a bloqué toute avancée sur la réglementation en raison d'un litige avec l'Espagne concernant l'aéroport de Gibraltar. Désormais hors de l'UE, le pays s'apprête à réformer les droits des passagers du secteur aérien pour déterminer les indemnités en fonction du prix du billet plutôt qu'à partir d'un montant fixe de référence.

Le patron de Ryanair, Michael O'Leary, espère que ce projet inspirera les décideurs européens: "Si le Royaume-Uni réalise une réforme efficace, cela pourrait mettre la pression sur la Commission européenne pour agir. Il y a de l'espoir."

 

[ SOURCE: BFMTV.COM]