[ POLITIQUE ] Les élus du Pays d'Arles pas pressés de fusionner

28 septembre 2021 à 16h12 par Christophe Vial

Crédit : L.P

La lettre est arrivée au coeur de l'été sur les bureaux des trois présidents des intercommunalités du territoire, Arles-Crau-Camargue-Montagnette (ACCM), la Communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles (CCVBA), et Terre de Provence. Le préfet des Bouches-du-Rhône, Christophe Mirmand, aiguillonné par une décision du tribunal administratif de Marseille (lire encadré) remettait la question de l'avenir institutionnel du Pays d'Arles sur la table, en les sondant sur une éventuelle fusion des trois EPCI en une seule entité.



Laissant passer le mois d'août, peu propice pour engager de telles réflexions, les présidents d'intercos ont réuni des bureaux ou conférences des maires, en ce mois de septembre, pour débattre du sujet. Et une majorité se dégage clairement pour un statu quo. "On est d'accord sur le fait de ne pas vouloir être intégré à la Métropole, d'accord pour le maintien d'un Département fort, mais la fusion des trois EPCI, c'est non. Nos trois intercommunalités ont d'abord besoin de stabilité", indique Corinne Chabaud, présidente de Terre de Provence. "Aujourd'hui il est urgent d'attendre, la fusion Métropole-Département n'est plus du tout à l'ordre du jour, abonde Lucien Limousin, maire de Tarascon. Nous avons un Pôle d'équilibre territorial et rural pour apprendre à travailler ensemble. Le sens de l'histoire, c'est de fusionner, mais ce n'est pas d'actualité aujourd'hui."


Pour répondre au courrier du préfet, Patrick de Carolis confie prendre son temps, et consulter régulièrement ses collègues maires d'ACCM. "À titre personnel, je pense qu'il y a un fort désir identitaire de la population, que le Pays d'Arles représente quelque chose pour elle, un bassin de vie, une culture, une histoire. Et moi-même j'ai toujours souhaité donner corps à ce Pays d'Arles", expose le président d'ACCM. Qui partage la même analyse que le maire de Tarascon sur le fait que cela va dans le "sens de l'histoire".


"Le Pays d'Arles est inéluctable, il se fera à plus ou moins long terme, la fusion des trois EPCI, c'est quelque chose qui s'imposera. Mais si cela se fait, il faut que la Pays d'Arles reste dans le Département. On a trop besoin de cette collectivité aujourd'hui pour développer nos communes", estime Patrick de Carolis. Aujourd'hui, reconnaît-il, "les esprits ne sont pas mûrs pour accélérer la fusion des trois EPCI. Qu'à cela ne tienne, il y a une autre voie qui est celle d'un Pays d'Arles de projets. Il faut que nous la bâtissions, c'est le rôle de nos trois EPCI de porter des projets transversaux."


Une garantie présidentielle


Ce statu quo, il peut aussi s'expliquer par le fait que les grandes manoeuvres lancées pour la Métropole Aix-Marseille Provence par le Président Emmanuel Macron ne semblent pas (ou plus) concerner le territoire. Selon nos informations, le chef de l'État aurait assuré les élus et parlementaires du Pays d'Arles présents lors de sa venue à Marseille, en début de mois, de l'indépendance du territoire face au mastodonte qui regroupe déjà 92 communes (dont deux hors Bouches-du-Rhône, Ndlr). "J'ai entendu les mêmes échos, confirme la députée de la majorité Monica Michel. Je trouve cela extrêmement sage, cela me fait penser que le Président a parfaitement compris la complexité de la situation chez nous."


On l'aura deviné, cette garantie présidentielle n'incite pas les élus locaux à accélérer le mouvement de la fusion du Pays d'Arles, sans l'épée de Damoclès que représentent l'intégration à la Métropole et la disparition du Département, scénario envisagé, et fortement contesté, en 2018. D'ailleurs, la question de la Métropole a été soigneusement écartée de l'équation par le préfet lorsqu'il a posé la question de la fusion du Pays d'Arles aux trois présidents d'intercos. Ce qui renforce encore l'attentisme sur ce dossier sensible. "Pour répondre à la question qui nous est posée, il nous faut tous les éléments en main, connaître le sort du Département, sinon tout est faussé. On n'aura pas les mêmes réponses si on nous dit rien ne bouge, ou si on nous dit que le Département a une espérance de vie limitée et qu'on va le fusionner à la Métropole. Il apparaît logique de prendre position une fois que l'on saura ce qui va se passer à côté de nous", souligne Hervé Chérubini, président de la CCVBA, insistant sur le fait que "personne ne demande la disparition du Département aujourd'hui."


Sauf que pour certains maires, à la pointe du combat contre l'intégration du Pays d'Arles à la Métropole à l'époque, la menace peut encore revenir. Notamment après la présidentielle d'avril prochain. "Quel que soit le futur président de la République, la question de la fusion Métropole-Département va se reposer", pense Jean-Christophe Daudet, maire de Barbentane, pour qui il faudra bien trouver les moyens financiers pour faire fonctionner la dite Métropole. Et l'argent, il se trouve au Département... "Il faut créer le Pays d'Arles, pour préparer l'avenir avec un véritable projet de territoire. Et si le Département venait à disparaître, on pourrait récupérer ses compétences. S'il ne disparaît pas, eh bien on aura une intercommunalité de 180 000 habitants où l'on pourra développer une politique ambitieuse, un outil moderne de développement de notre territoire", poursuit-il.


Attendre, ce n'est pas non plus l'option la plus pertinente pour Jean-Marc Martin-Teissère, maire de Verquières. L'interco unique, "ce serait bien d'y travailler, mais beaucoup freinent encore, regrette-t-il. C'est dommage de ne pas étudier la possibilité de nous regrouper." D'autant "qu'on pourrait nous reprocher de n'avoir rien fait."


Cette inertie pourrait bien justifier l'intégration d'un Pays d'Arles morcelé dans une Métropole qui serait finalement fusionnée au Département, craint le maire, pour qui "il faut être prêt au cas où. Gouverner, c'est prévoir, c'est le rôle des élus d'étudier les scénarii..."


 



Une obligation pour le préfet


Le préfet Christophe Mirmand avait obligation de revenir consulter les élus, après la décision du tribunal administratif de Marseille rendue début 2021. En fait, la genèse de l'histoire remonte à 2018. À l'époque, le préfet Pierre Dartout, malgré la délibération en juin 2018 de la communauté d'agglo ACCM demandant la fusion des 3 EPCI (ACCM, Vallée des Baux Alpilles, Terre de Provence) en une communauté d'agglomération unique du Pays d'Arles, refuse d'engager la concertation, au prétexte qu'elle ne semblait pas faire l'objet d'un consensus sur tout le territoire. Or, la fusion n'est soumise qu'à l'accord d'au moins deux tiers des communes représentant au moins 50% de la population du périmètre concerné, ou inversement. ACCM a donc intenté un recours contentieux devant le tribunal administratif de Marseille, lequel a annulé la décision du préfet Dartout. La procédure de consultation est donc toujours en cours, d'où le courrier envoyé aux intercos par l'actuel préfet.


 


Source: Laprovence Arles