Halle Lustucru à Arles: La question de son devenir a été tranchée.

9 janvier 2018 à 10h44 par sarah rios

RADIO CAMARGUE

Fin d'un épisode clef, ce matin, en sous-préfecture d'Arles, dans l'avenir de la cathédrale d'acier du site Lustucru d'Arles, où près de 10 hectares de terrains sont appelés à devenir une zone commerciale à l'horizon 2019, par l'investissement de 30 millions d'euros du Groupe Frey. La ministre de la Culture Françoise Nyssen s'est investie pour qu'une solution soit trouvée afin d'assurer un avenir à ce patrimoine. "Nous sommes très heureux, cela va permettre d'ouvrir les possibles" nous déclarait hier la représentante de l'État.

Sollicitée par courrier, en novembre, par le Collectif arlésien pour la préservation de la cathédrale d'acier (CDCA), Françoise Nyssen a souligné, hier, qu'elle n'avait pas eu besoin de cette alerte (accompagnée tout de même d'une pétition ayant obtenu 2000 signatures) pour s'intéresser à la question. En plus des éléments qui devaient nourrir toute décision ministérielle sur le sujet, il n'échappe à personne que Françoise Nyssen est Arlésienne.

"Nous savions que ce lieu, emblématique de l'alliance entre le culturel et l'économique, était abandonné depuis 13 ans. On ne devait pas le sacrifier simplement pour un projet commercial, et il n'était pas intéressant de le laisser au milieu des voitures" a-t-elle argumenté. Depuis fin novembre, et avec la date butoir de mi-janvier, date prévue du début du chantier, beaucoup étaient suspendus à la décision, in fine, de la ministre.

Les partisans du "sauvetage" de la cathédrale d'acier lui demandaient qu'elle classe ce patrimoine pour le protéger. Les acteurs économiques espéraient ne pas voir capoter ou retarder le projet de requalification de la zone nord.

Ne pouvant pas classer, la ministre de la Culture s'est orientée vers un démontage, après un travail de fond mené conjointement avec toutes les parties pour trouver une issue favorable, et constructive.

Aux Papeteries Étienne

"Construite pour l'exposition coloniale à Marseille en 1906, la halle a ensuite été déplacée au Parc Chanot, puis à Arles, pour abriter l'activité économique autour du riz de Camargue avec Lustucru. Je souhaitais que nous la préservions car elle a une vie remarquable, elle est le témoin d'une activité économique emblématique du Pays d'Arles. Nous avons trouvé un accord qui préserve à la fois l'emploi des Arlésiens (plus de 200 emplois sont annoncés avec la requalification de la zone nord, NDLR), et qui va dans le sens de la conservation du patrimoine industriel. La halle va être démontée, déplacée, puis installée quand les contraintes liées au PPRI le permettront aux Papeteries Étienne. Cela va dans le sens de la politique que nous menons avec le Gouvernement lorsque nous insistons sur la possibilité de revitalisation des centres-ville par le patrimoine."

Une réunion ce matin, en sous-préfecture, réunissant le Groupe Frey, l'État, la Drac, la Ville et la communauté d'agglomération ACCM devrait sceller la proposition. "Je souhaite que se réunisse un groupe public - privé pour bien construire un vrai projet que le ministère de la Culture pourra accompagner. Les idées ne manquent pas dans la région, et tout est ouvert."

Des efforts partagés

Ouf, serait-on tenter d'écrire tant le sort de la halle a préoccupé les autorités locales. Au final, donc, la ministre n'a pas classé car elle ne le pouvait pas. Si elle l'avait fait, c'était au risque de freiner l'avancée du chantier de requalification de la zone nord. Peut-être de refroidir un investisseur qui, de l'avis de tous, a particulièrement joué le jeu. Jusqu'à assumer, semble-t-il, le surcoût d'un démontage en bonne et due forme, plutôt qu'une démolition. Françoise Nyssen a rencontré Antoine Frey, le pdg, "il est très attentif aux arts" a-t-elle souligné.

La Ville, qui a travaillé avec le groupe, ne s'est pas arc-boutée sur une démolition, "au contraire, nous avons étudié des scénarios, mais chaque fois les contraintes étaient trop importantes en gardant la halle"précise Patrick Chauvin, premier adjoint. À la communauté d'agglo ACCM, c'est le président Claude Vulpian qui a accepté d'accueillir la halle démontée aux Papeteries. En attendant que s'écrive une autre vie.


 

La halle a été construite en 1906 à Levallois par Edouard Allard, ancien contremaître d'Eiffel, pour abriter des foires et des expos au Parc Chanot, à Marseille. Ce n'est qu'en 1951 qu'elle arrive par le Rhône à Arles, après avoir été vendue pour 1¤ symbolique à l'Auxiliaire rizicole du sud est. Elle sert alors de parapluie pour les silos où est stocké le riz, qui arrive par tonnes via la voie ferrée qui traverse le site. Son usage sera le même sous Lustucru-Riz (Panzani), qui fermera définitivement après les inondations de 2003, au terme d'une longue lutte des salariés. Ce sont eux qui ont baptisé la grande halle la cathédrale d'acier.


 

Il faudra attendre les résultats de la rencontre ce matin entre l'État, la Ville, la Communauté d'agglo, le groupe Frey et la Drac, pour être plus précis sur les modalités de l'opération. Mais il semble acquis que la Halle, "sauvée" de la démolition, conditionnée comme il se doit après traitements (plomb et amiante éventuellement) puisse être réinstallée. Si le démontage va coûter au groupe Frey, comme la livraison aux Papeteries, le remontage aussi.

David Grzyb estime qu'il n'est pas du ressort du contribuable de payer. Alors comment faire ? Jean-Bernard Memet assure que, en tant qu'Arlésien, il mettra "autant d'énergie à donner une nouvelle fonction et une nouvelle utilité à la halle d'acier" que celle qu'il a mis à la défendre. Soit. Dans ses recherches, dans le livret "La belle histoire", il pointe un épisode étonnant de la désormais fameuse Halle. Il a ainsi découvert que les élus marseillais s'inquiétaient avant la fin de l'expo coloniale du devenir des structures. Le 8 mars 1907 le Conseil municipal de Marseille a délibéré pour la sauvegarde du pavillon et l'achat du site pour la ville. Mais comme la conservation du Parc du Prado allait demander une somme considérable aux contribuables, "le Conseil municipal, réuni en commission plénière (...) décida en principe la conservation du Parc au moyen d'une loterie de deux millions (...)" La loterie municipale a ainsi permis d'acheter le parc, et le pavillon des produits d'exportation fut réaménagé pour devenir le parc Chanot. Et si, 111 ans plus tard, l'idée d'une loterie du patrimoine soutenue par Stéphane Bern retrouvait la halle ? "S'il n'y a pas de fonds ici, on pourrait trouver des acquéreurs ailleurs" avance Jean-Bernard Memet. "Mais quel joli symbole d'attribuer la première cagnotte de la loterie à la Halle Lustucru !" À suivre !

Source: Laprovence